L’affaire du naufrage d’une patera, transportant des immigrés clandestins marocains, en décembre dernier à Lanzarote, vient de connaitre un nouveau rebondissement. La juge chargée de l’affaire a décidé de disculper la Guardia Civil, malgré la publication d’une vidéo la désignant comme principale responsable du drame.
La justice espagnole vient de donner raison à la Guardia Civil, dans l’affaire du naufrage d’une patera, le 13 décembre dernier, à proximité de l’ile de Lanzarote, dans l’océan atlantique. L’embarcation de fortune transportait 25 immigrés marocains, tous originaires de Sidi Ifni. L’un d’eux n’a pas survécu au naufrage, alors que six autres sont toujours portés disparus. La vidéo de l’incident, filmée à l’aide du Système intégré de vigilance extérieure (SIVE), publiée lundi par Cadena Ser, désignait pourtant la Guardia Civil comme principale responsable des faits.
Le pilote de la patera tenu pour responsable
La juge chargée de l’affaire, Ángela López-Yuste, a, en effet, estimé que l’homme qui pilotait la patera, le jour du naufrage, était le seul et unique responsable du drame, rapporte mercredi le quotidien espagnol El Pais. Le pilote a « fait deux manœuvres de virage à droite, en plus d’avoir lâché le volant, croisant ainsi la trajectoire du patrouilleur de la Guardia Civil, qui n’a rien pu faire pour éviter la collision ». Pour arriver à cette conclusion, la juge espagnole s’est basée sur un rapport d’expert affirmant que la responsabilité était « exclusivement » celle du pilote marocain. Mais pour l’accusation, ce rapport a été établi sans aucune preuve ou information pertinente, chose qu’a reconnue « l’expert », indique la même source.
L’accusation, qui a analysé la vidéo, a fait valoir qu’ « à 2h17, la patera est passée à côté du patrouilleur espagnol mais dans le sens inverse, ce qui démontre que le pilote marocain ne sollicitait pas de l’aide, mais voulait au contraire leur échapper ». Les avocats des rescapés affirment également que « le patrouilleur avait manœuvré pour inverser le sens de la navigation, avant d’accélérer la vitesse pour pouvoir donner une pause au moteur et récupérer ainsi le temps consacré à l’aboutissement de la manœuvre ». Selon eux, la patera ne voyant pas d’autres issues s’est arrêtée à 2h18.
« Après avoir augmenté imprudemment sa vitesse, le patrouilleur s’est dirigé sans équivoques vers le point où la patera s’était arrêtée avant de l’atteindre avec une vitesse beaucoup plus élevée que la vitesse minimale de sécurité, ce qui a causé le choc à 2h19 », a expliqué l’accusation. Ángela López-Yuste, elle, n’entend pas les choses de la même oreille. Pour la juge, la vidéo ne présente aucune preuve concrète qui permettrait d’inculper l’équipage de la Guardia Civil. Elle a également estimé qu’en faisant valoir la vidéo du SIVE, l’accusation a démontré « une volonté d’entraver et de retarder cette instruction ». L’enquête ouverte sur cette affaire se poursuit. La justice n’a pas encore dit son dernier mot.
Suite à la diffusion de la vidéo du naufrage, l’ambassadeur d’Espagne au Maroc a été convoqué, ce jeudi matin, par le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, a fait savoir la MAP, citant un communiqué du ministère. Il lui a été « demandé de fournir toutes les informations récentes en rapport avec cet incident ». L’ambassadeur espagnol mettra ainsi à disposition du Maroc « tous les documents et informations en rapport avec cette question sensible », indique-t-on.
« Le ministère informe l’opinion publique nationale de l’intérêt personnel que (…) le roi, et le gouvernement marocain portent à cette question sensible et au drame humain qui en a résulté ». Le consulat du Maroc à Las Palmas suit également de « très près les développements de cette affaire devant la justice espagnole et qui est en phase d’appel », souligne le même communiqué.