Le Premier ministre tunisien a qualifié de “terroriste” le groupe salafiste Ansar Ashariaa, jugé responsable des heurts dimanche à Tunis qui ont fait un mort et une quinzaine de blessés après l’interdiction du congrès de ce mouvement à Kairouan.
“Ansar Ashariaa est une organisation illégale qui défie et provoque l’autorité de l’État”, a déclaré M. Larayedh à la télévision publique en marge d’un déplacement au Qatar.
Ce groupe “est en relation et est impliqué dans le terrorisme”, a ajouté ce haut responsable du parti islamiste Ennahda qui dirige le gouvernement.
C’est la première fois que M. Larayedh, un ancien ministre de l’Intérieur et bête noire des salafistes, qualifie Ansar Ashariaa de “terroriste”.
Ce groupe est pourtant considéré depuis longtemps comme proche d’Al-Qaïda, alors que la Tunisie connaît un essor des groupuscules jihadistes depuis la révolution de 2011.
Il est accusé par les autorités de l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis en septembre 2012 (quatre morts parmi les assaillants).
Le ministère de l’Intérieur a aussi indiqué que ce sont les militants d’Ansar Ashariaa qui ont déclenché les violents heurts dimanche dans les rues de la banlieue ouest de Tunis.
“Quinze policiers ont été blessés, trois grièvement dont un en réanimation. Trois manifestants ont été blessés et un est mort”, a déclaré le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Aroui dont le précédent bilan faisait état de 14 blessés.
L’hôpital Mongi Slim a précisé que le manifestant, Moez Dahmani né en 1986, avait été tué par balle.
Faute d’avoir pu tenir son congrès à Kairouan, à 150 km de Tunis, bouclée par un impressionnant dispositif de sécurité, Ansar Ashariaa a appelé ses partisans à se rassembler Cité Ettadhamen, un bastion salafiste à 15 km à l’ouest de la capitale.
Des heurts ont éclaté dans ce quartier en début d’après-midi et se sont poursuivis dans la cité voisine d’Intikala, où les centaines de manifestants armés de pierres, d’armes blanches et de cocktails Molotov se sont réfugiés après voir été repoussés par des tirs, des gaz lacrymogènes ainsi que l’avancée de blindés.
Dans la soirée des heurts sporadiques avaient encore lieu mais la police semblait contrôler ces quartiers.
Le gouvernement, dirigé par le parti islamiste Ennahda, avait interdit le congrès d’Ansar Ashariaa à Kairouan en estimant qu’il représentait une “menace”.
Aqmi soutient Ansar Ashariaa
Ainsi, son chef en fuite Abou Iyadh, un vétéran d’Al-Qaïda en Afghanistan libéré de prison à la faveur de l’amnistie post-révolutionnaire, a menacé le gouvernement d’une “guerre” la semaine dernière, accusant Ennahda de mener une politique anti-islam.
Ennahda a longtemps été accusé de laxisme face aux groupuscules jihadistes. Il a considérablement durci sa position depuis que 16 militaires et gendarmes ont été blessés entre fin avril et début mai par des mines posées par des groupes armés liés à Al-Qaïda à la frontière avec l’Algérie.
A Kairouan, le calme régnait dans la soirée dimanche et le dispositif sécuritaire a été levé.
En fin de matinée, de brefs heurts y avaient opposé un petit groupe de salafistes à des policiers, puis des manifestants, en majorité des jeunes ne semblant pas appartenir à la mouvance islamiste, ont affronté par moments les forces de l’ordre.
Selon une source sécuritaire sur place, 70 militants salafistes ont été interpellés dans cette ville. Aucun chiffre précis n’a été donné concernant les arrestations à Tunis, le ministère de l’Intérieur avançant “quelques dizaines d’arrestations de bandits et de salafistes” dans toute la Tunisie.
Le porte-parole d’Ansar Ashariaa, Seifeddine Raïs, a été arrêté dimanche, selon son organisation et une source sécuritaire.
Enfin, samedi soir, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a exprimé son soutien à Ansar Ashariaa, tout en appelant les militants tunisiens à faire preuve “de sagesse et de patience”.
“Ne vous laissez pas provoquer par le régime et sa barbarie pour commettre des actes imprudents qui pourraient affecter le soutien populaire dont vous bénéficiez”, a déclaré Abou Yahia al-Shanqiti, membre du comité d’Al-Charia d’Aqmi.
Depuis la révolution, la Tunisie a vu se multiplier les violences salafistes. Le pays est aussi déstabilisé par une profonde crise politique et le développement de conflits sociaux dus à la misère.
L’état d’urgence est en vigueur dans le pays depuis la chute de Ben Ali.
AFP