Des Marocains se battent pour la sauvegarde des manuscrits de Tombouctou, considérés comme une richesse pour les peuples musulmans. Bien que l’achat de ces textes se fasse de manière informelle, un collectionneur estime que c’est la seule manière de les sauver et plaide pour l’ouverture d’un musée au Sahara.
Après la destruction, en janvier dernier, de la grande bibliothèque publique Ahmed Baba par les extrémistes islamistes, 3 000 manuscrits ont fini en ruine. Aujourd’hui, des Marocains originaires du Sahara tentent de sauver ces écrits antiques. C’est le cas d’Abdelwahab Sibaouaih Ould Abdelbaki, rencontré par TV5 Monde. Issue d’une famille très attachée aux valeurs de l’Islam, il se dit « heureux » d’avoir pu acquérir ces textes.
Des textes sur les « règles du commerce selon l’islam »
Ces manuscrits datant de deux, voire trois siècles traitent des mathématiques, d’astronomie ou encore de sciences. Parmi ceux sauvegardés par Abdelwahab, il en existe un qui parle « des règles du commerce selon l’islam ». « C’est rare. […] C’est le plus précieux », dit-il. Un autre, retrace les règles du divorce et d’héritage dans l’islam. Pour ce collectionneur marocain, ces écrits recèlent « toute l’histoire du Sahara ».
D’après Abdelwahab, « c’est un véritable marché au noir » qui se développe à la frontière Mauritano-malienne. Pour acheter ces écrits, le collectionneur marocain fait 8 000 kilomètres et débourse la modique somme de 9 000 euros (91 000 dirhams environs) par pièce. « J’ai conscience que ces achats ne sont pas réglementaires, mais c’est mieux que de laisser disparaître des livres. Les islamistes ont déjà beaucoup détruit », regrette-t-il.
Pour la création d’un musée au Sahara
Si l’on peut encore retrouver des manuscrits de Tombouctou, c’est parce quelques familles autochtones ont pu en sauver quelques-uns, peu avant l’arrivée des extrémistes islamistes. Elles transportaient discrètement ces écrits dans des sacs de riz, à bord de 4×4, sur des charrettes et même sous leurs manteaux, afin de les garder en lieu sûr dans d’autres régions du Mali.
Le rêve du collectionneur Sahraoui est de voir la construction d’un musée au Sahara. « C’est une œuvre. Ce n’est pas pour moi ni pour les Marocains, mais pour l’humanité », affirme Abdelwahab. Il les conserve lui-même avec le plus grand soin dans des boîtes vitrées.
Lors d’une rencontre tenue à Paris le mois dernier, l’Unesco s’est mobilisée pour la sauvegarde des manuscrits de Tombouctou, ainsi que la reconstruction des mausolées détruits par les salafistes fin juillet dernier. Selon la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, une mission d’experts sera envoyée sur les lieux « dès que la situation le permettra ».