Pour l’Aid El Kebir, les députés auraient décidé d’être particulièrement généreux cette année. Plusieurs d’entre eux auraient commandé d’importantes quantités de moutons à redistribuer aux familles nécessiteuses. Craignant une tentative d’achat des voix, le ministère de l’Intérieur a donné ses ordres. Détails.
Depuis quelques jours, c’est l’un des sujets phares des discussions des parlementaires. Sur instruction du ministère de l’Intérieur, les walis et gouverneurs à travers le Royaume ont l’obligation de veiller à ce que les candidats aux élections législatives du 7 octobre ne se servent pas de l’Aïd El Kébir pour se garantir des voix.
Selon le quotidien Assabah qui a révélé l’information lundi 15 août, plusieurs députés auraient passé des commandes de plusieurs dizaines (parfois jusqu’à 200) de moutons chacun, à redistribuer à des familles nécessiteuses à l’occasion de la fête du Sacrifice célébrée cette année à la mi-septembre, quelques jours avant le lancement de la campagne électorale. Dubitatif quant à l’objectif d’une telle initiative, le département de Mohamed Hassad a pris les devants. « Une circulaire interne a été transmise à tous les postes décentralisés du ministère. Les autorités locales sont appelées à veiller au respect des règles », indique une source au Parlement.
Dans les rangs des politiques, la mesure ne fait ni chaud ni froid à certains. « Ce n’est qu’un rappel de moralité. L’Aïd tombe cette année en même temps que les élections, c’est toujours bien de rappeler qu’il ne faudrait pas mélanger usages religieux et intérêts politiques », indique un parlementaire PAM qui requiert l’anonymat.
La fraude éradiquée, des familles démunies privées de dons
Au PPS, notre interlocuteur n’a pas souhaité s’exprimer. Au PJD par contre, on avance également une « orientation morale routinière », mais selon un des parlementaires du parti de la Lampe, la question est assez importante. « Il y a des pratiques qui sont courantes en politique, le ministère tente juste de les éviter », confie à Yabiladi Abdellatif Ben Yacoub. Ce parlementaire va se présenter à Rabat, mais n’a pas l’intention de distribuer des moutons à l’Aïd. « Je n’en ai tout simplement pas les moyens. Où prendrais-je de telles sommes d’argent ? », s’interroge-t-il, soulignant qu’il privilégie la relation de proximité avec les électeurs.
En revanche, M. Ben Yacoub estime la décision du ministère à la fois positive et négative. « Positive parce que cela permettra de mettre fin à toute pratique illégale visant à biaiser les élections, mais négative parce que de nombreuses familles ne pourront pas bénéficier des dons de moutons », explique-t-il, rappelant que beaucoup de familles marocaines n’ont pas les moyens de se payer un mouton pour célébrer le Sacrifice.
Pour rappel, le ministère de l’Intérieur avait pris une décision similaire en mai dernier, à une semaine du ramadan, interdisant la distribution de paniers caritatifs par les élus. Mais pour les parlementaires, il ne serait pas étonnant de voir des politiques déroger à la règle.