Le Conseil d’État suspend l’arrêté anti-burkini

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La plus haute juridiction administrative française estime que l’arrêté porte « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales »

C’est une décision qui met fin à près de deux semaines de polémique. Le Conseil d’État a décidé, vendredi 26 août, de suspendre l’arrêté anti-burkini pris par la ville de Villeneuve-Loubet sur les plages de sa commune. L’arrêté était formulé comme suit : « L’accès à la baignade est interdit, du 1er juillet au 31 août, à toute personne ne disposant pas d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité, et respectant les règles d’hygiène et de sécurité adaptées au domaine public. »

Les restrictions que le maire apporte aux libertés « ne doivent pas se fonder sur d’autres considérations » que des « risques avérés d’atteinte à l’ordre public », explique le Conseil d’État. Or, le maire de Villeneuve-Loubet n’a pas produit d’éléments objectifs qui puissent justifier que des risques de débordements existaient sur sa commune. De même, le contexte, c’est-à-dire « l’émotion » et « les inquiétudes » suscitées par les attentats de Nice, ne peut justifier à elles seules la prise d’une telle mesure d’interdiction.

Quelles conséquences pour les communes ?

Et le Conseil d’État de conclure : « L’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. » « Il y a une réponse juridique du Conseil d’État. On vous dit, en l’état actuel du droit, qu’on ne peut pas laisser un maire interdire le port du burkini et le port de vêtements religieux sur les plages », a réagi Me Patrice Spinosi, l’avocat de la Ligue des droits de l’homme (LDH). « Si un maire veut interdire le port du burkini, il doit apporter des éléments précis et factuels et ne peut se contenter du contexte général », a-t-il poursuivi. Lors de l’audience, jeudi, la robe noire avait expliqué que « les exigences du droit » ne devaient pas « céder aux exigences de la peur. Le droit a vocation à pacifier. » Voyons si les politiques vont en faire autant…

La décision du Conseil d’État ne concerne pour le moment que Villeneuve-Loubet. La trentaine d’autres communes qui ont pris des arrêtés d’interdiction du burkini a le choix : retirer l’arrêté ou le défendre en justice, dans le cas où il serait attaqué devant un tribunal administratif. Mais il y a désormais de très fortes chances pour que les tribunaux administratifs amenés à trancher sur un tel contentieux suivent la jurisprudence du Conseil d’État. D’autant plus qu’aucune ville de France n’a fait part d’incidents sur le port de burkini qui puissent caractériser un « risque avéré d’atteinte à l’ordre public ». Si les médias ont d’abord rapporté que le burkini avait été l’objet de la rixe qui a éclaté à Sisco, en Corse, le 13 août, les investigations ont montré qu’aucune femme ne portait un tel vêtement de bain ce jour-là.

Interrogé par Le Point.fr, David Rachline, maire FN de Fréjus, affirme ainsi qu’il n’a pas l’intention pour le moment de suspendre de son propre chef son arrêté d’interdiction. « On va voir ce qui se passe devant les tribunaux administratifs. Mais mon arrêté n’a jamais été attaqué jusqu’ici, je ne vois pas pourquoi il le serait demain ». Il ajoute : « Pour être franc, il y a eu juste eu quelques rares cas de burkinis sur les plages début août ». Et seul « un incident qui s’est réglé assez facilement ». Une situation quasi similaire à Villeneuve-Loubet qui avait inspiré à Me Spinosi cette sortie : « Ce qu’on vous dit, c’est qu’avant [l’arrêté municipal, NDLR] il n’y avait pas de trouble à l’ordre public. Mais rassurez-vous, il n’y en aura pas non plus après ! »

Source:lepoint.fr

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