La droite et une partie de la gauche critiquent la venue d’imams algériens et marocains en France, pour le ramadan, qui débute le 15 mai prochain.
Comme chaque année pour le mois du ramadan, les mosquées françaises vont recevoir du renfort du Maghreb. Cette fois-ci, alors que le gouvernement a validé cette venue, une partie de la classe politique s’insurge.
Le mois dernier, à l’annonce de cette nouvelle, l’ancienne secrétaire d’État Jeannette Bougrab, avait commencé par soulever la révolte : « Organiser la venue d’imams étrangers en France est une hérésie (…) Les bras m’en sont tombés. Comment, dans un État laïque, le ministre de l’Intérieur, certes ministre des Cultes, se préoccupe de faire venir des imams d’Algérie pour le ramadan ? » avait-elle déclaré au Figaro.
« Quelle naïveté ! »
Manuel Valls a depuis renchéri : Il faut « le plus vite possible (…) mettre un terme aux accords bilatéraux permettant la venue de ces religieux, (…) ça ne correspond pas à l’idée qu’on doit se faire d’un islam des Lumières », a relevé l’ancien Premier ministre.
Jacqueline Gourault, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, avait pourtant tenté de rassurer les mécontents, en assurant au Sénat que la Place Beauvau était « très attentive » et que les imams faisaient l’objet d’un « criblage » par les services de police. La sénatrice UDI Nathalie Goulet, auteure d’un rapport sur l’organisation de l’islam en France, jugeait pourtant le dispositif « pas raisonnable » compte tenu des « risques qui pèsent sur la société française ».
« Quelle naïveté de la part du gouvernement! Il faut cesser toute influence étrangère sur l’islam en France, tant en matière de financements que de formation des imams », a lâché pour sa part la vice-présidente de LR, Virginie Calmels, alors qu’Emmanuel Macron a réitéré sa volonté d’enraciner un « islam de France » moins lié aux influences radicales. « Ces imams ne font pas de prêche, mais de la psalmodie, ils n’ont pas d’autre mission religieuse que de respecter la tradition du ramadan », a de son côté affirmé à l’AFP Slimane Nadour, l’un des responsables de la grande mosquée de Paris.
La fausse polémique autour des « imams du Ramadan » ?
Alors que la venue de quelque 300 imams d’Algérie, du Maroc ou encore de la Turquie est attendue cette année en France pour le Ramadan, une polémique a brusquement éclaté à quelques semaines du mois béni pour les musulmans. Un tel débarquement d’imams étrangers en France pour la période du jeûne n’est pourtant pas nouveau : cela fait des années que de nombreuses mosquées font appel à cette présence pour assurer les prières nocturnes du Ramadan (tarawih), cela pour pallier l’insuffisance d’imams en France. Sans que cela génère jusque-là une quelconque controverse.
Mais voilà que, depuis plusieurs jours, des hommes politiques critiquent ouvertement l’arrivée prochaine de ces imams étrangers, en tentant d’opposer ce dispositif auquel le ministère de l’Intérieur chargé des Cultes donne son feu vert d’avec la volonté présidentielle émanant d’Emmanuel Macron de « structurer l’islam de France ».
« Une méconnaissance manifeste du rôle et de la mission de ces imams »
Parmi les critiques les plus notables figurent celles du député Manuel Valls pour qui il faudrait « mettre un terme » aux accords bilatéraux permettant la venue desdits imams du Ramadan car « ça ne correspond pas à l’idée qu’on doit se faire d’un islam des Lumières en France, d’un islam de France ». Rappelons toutefois que Manuel Valls ne fut autre que ministre de l’Intérieur sous l’ère de François Hollande entre 2012 et 2014 avant d’hériter du poste de Premier ministre jusqu’en 2016, sans que ce dossier eut été défini par lui comme un problème. Désormais, il veut jouer la carte de l’opposition s’agissant des questions d’islam vis-à-vis du nouveau pouvoir en place.
Pourquoi la venue de ces imams étrangers doit-elle être soudainement considérée comme un problème ? La polémique est « pour le moins inattendue et incompréhensible », déplore Mohammed Moussaoui, président de l’Union des mosquées de France (UMF). « Les déclarations de certains hommes et femmes politiques sur ces imams, en décalage avec la réalité, témoignent d’une méconnaissance manifeste du rôle et de la mission de ces imams. »
En effet, les imams sélectionnés pour se rendre en France pour le Ramadan ne sont, pour une immense majorité, pas chargés de faire des prêches comme ceux qui sont requis pour la prière de vendredi ou encore les prières de l’Aïd. Ce sont avant tout des religieux qui ont appris l’intégralité du Coran par cœur en arabe et qui ont la capacité d’en faire une récitation psalmodique selon des règles de lecture bien définies. Des conditions sine qua non de leur recrutement pour permettre l’accomplissement des (longues) prières nocturnes du mois de Ramadan, qui sont des exercices autant physiques que spirituels.
Un échange « présent sous des formes équivalentes chez les autres cultes de France »
Mohammed Moussaoui le confirme : « Pour la plupart, ces imams sont des psalmodieurs du Coran ayant pour mission essentielle la récitation et la psalmodie du Coran lors des prières de nuit (tarawih). » Et si « certains d’entre eux sont des conférenciers ou des conférencières », ils sont « expérimentés » et « viennent soutenir les imams de France dans la promotion de l’islam de juste milieu auprès des fidèles toujours plus nombreux au mois de Ramadan ».
Organiser des tarawih est une tradition du Ramadan que les responsables de mosquées veulent pouvoir assurer au mieux auprès de leurs fidèles. L’avantage pour les mosquées où les imams du Ramadan officient : ces derniers sont payés par leurs pays d’origine, tout comme les imams détachés au nombre de 300 environ en France. « La tradition d’accueillir des imams durant le mois de Ramadan remonte à des dizaines d’années et ne concerne pas uniquement la France ou les pays européens », appuie Mohammed Moussaoui. Par ailleurs, « ce type d’échanges ne concerne pas uniquement les imams. Il est présent sous des formes équivalentes chez les autres cultes de France sans que personne a l’idée d’en contester le principe ni de le remettre en cause ».
Source: valeursactuelles.com