A Oued Souf, appelée également El-Oued, une wilaya située à plus de 650 Km au sud-est d’Alger, la population locale a décidé de s’organiser pour sauver les gazelles, une espèce animalière protégée par la loi, de la menace des émirs braconniers du Golfe.
Des nomades, éleveurs et défenseurs de la nature dans la région d’Oued Souf ont organisé récemment “l’évasion” de tout un troupeau de gazelles afin qu’il ne soit pas retrouvé par les 4×4 des émirs du Golfe qui viennent chasser dans le désert algérien cet animal très prisé pour la qualité de sa viande.
Des gazelles éventrées et abandonnées dans le désert : cette image horrible a fini par scandaliser la population de la wilaya d’El-Oued. Les expéditions organisées par des touristes émiratis ou qataris pour chasser cet animal menacé de disparition en Algérie ont nourri un véritable sentiment de révolte dans cette région du Sahara algérien. Et au moment où les autorités algériennes fournissent à ces chasseurs de luxe la protection de la gendarmerie nationale pour leur garantir toute la sécurité, la population locale a décidé de passer à l’action pour sauver les dernières gazelles de la région. Et pour ce faire, une opération d’”évasion” a été lancée depuis le mois de mai dernier.
En clair, des habitants très connaisseurs du Sahara ont fait évader tout un troupeau de gazelles pour qu’il ne soit plus fixé dans une zone sillonnée par les caravanes des émirs braconniers qui se déplacent sous la surveillance de la gendarmerie algérienne. Cette opération d’évasion a commencé dans la zone de Sahin Berri, un coin entièrement désertique situé à plus de 100 Km au sud de la ville d’Oued Souf, a-t-on appris de plusieurs sources locales. “Nous avons fait fuir les gazelles pour qu’elles ne soient pas massacrées par ces émirs. Nous avons voulu dire stop à ce massacre inacceptable. Nos gazelles sont tuées, éventrées et ces émirs émiratis ou qataris mangent leurs foies et rejettent le reste du corps dans le Sahara, comme si cet animal majestueux était un simple déchet alimentaire !”, confie un notable de la région d’Oued Souf selon lequel tout un collectif citoyen a été mis en place pour organiser ces opérations d’évasion. Des opérations qui portent leurs fruits puisque le voyage de la dernière délégation de chasseurs originaires des Emirats Arabes Unis en mai 2014 a capoté et les émirs chasseurs, déçus de ne pas avoir mis la main sur une gazelle algérienne, ont rebroussé leur chemin.
“Ces émirs viennent chasser pendant la période de la reproduction des gazelles. Ils ne respectent aucune règle élémentaire de la chasse. Ils tuent le mâle dominant et tirent des balles réelles sur ces animaux protégés”, explique un chasseur originaire d’Oued Souf qui souhaite garder l’anonymat. “Il n’était plus possible de tolérer ces pratiques barbares. Ici, nous chassons cet animal, mais nous le respectons et nous n’utilisons jamais une arme de feu. Ces émirs viennent, quant à eux, pour massacrer nos troupeaux de gazelles et nous laissent leurs cadavres”, s’indigne encore notre interlocuteur.
Après le succès de cette opération d’évasion, les habitants d’Oued Souf espèrent sensibiliser d’autres concitoyens dans les wilayas d’Ouargla, El-Bayadh et Béchar, les régions les plus touchées par le braconnage des émirs du Golfe, afin de reproduire la même initiative. “L’Etat est complice et protège même ces tueurs. Si on laisse faire, nos gazelles vont disparaître à jamais”, préviennent enfin plusieurs sources locales à Oued Souf. La mobilisation ne vient donc que de commencer…