Mélenchon : « Vous n’avez pas besoin de moi pour savoir ce que vous avez à faire »

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Cinq jours après les résultats du premier tour, le candidat de la France insoumise s’est exprimé dans une vidéo. S’il ira voter et « pas pour le FN », il s’est refusé à donner une consigne explicite.

evancé par Marine Le Pen, qui a lancé un appel aux électeurs de la France insoumise dans une brève vidéo diffusée sur internet, Jean-Luc Mélenchon est finalement sorti du silence ce vendredi 28 avril, cinq jours après le premier tour qui l’a vu arriver en quatrième position (19,58% des suffrages). Dans un nouvel épisode de sa « Revue de la semaine », long de 32 minutes, l’eurodéputé commence par justifier sa prudence au soir des résultats.

« On a bien fait de ne pas se précipiter parce que c’était ric rac« , déclare-t-il, visiblement dépité. « Peut-être que le choc a été plus rude pour nous cette fois-ci que d’autres », reconnaît-il. « A 620.000 voix près, il n’y aura pas d’augmentation du Smic, pas de 6e République, pas de référendum révocatoire, pas de sortie du nucléaire, pas de 100% de renouvelable, pas une seule des propositions pour la paix que j’ai présentées. Ça laisse évidemment un goût d’amertume. »

Jean-Luc Mélenchon évoque ensuite l’injonction au ralliement derrière la candidature d’Emmanuel Macron, opposé à Marine Le Pen au second tour. Pendant une vingtaine de minutes, il va justifier son choix de ne pas se prononcer clairement pour l’un ou pour l’autre :

« Tout le monde est pris à la gorge et prié de s’aligner, séance tenante, sur un choix. Ça tombe bien, ce choix était hautement prévu d’avance. C’est une violence qui est faite à la plupart d’entre nous », dénonce-t-il. « De cette violence, il ne peut pas sortir une situation stable. Parce que la nature même des protagonistes du deuxième tour interdit cette stabilité. L’un parce que c’est l’extrême-finance, l’autre parce que c’est l’extrême droite. »

Tout de même, se félicite-t-il, il a « réduit l’écart avec Marine Le Pen de manière spectaculaire » : 1,7 point d’écart, contre 6,8 en 2012. « Depuis le début, l’objectif c’est la reconquête de la confiance des milieux populaires », dit-il, égrenant ses bons scores dans plusieurs grandes villes. « C’est un crève-cœur pour nous quand elle [Marine Le Pen] arrive à les convaincre. […] 30% des jeunes ont voté avec nous. C’est très important, car cela montre que le programme, nos idées, vont franchir la génération suivante. »

« Pas se laisser enfermer dans les injonctions »

« Les deux candidats du deuxième tour ne se proposent pas de regrouper, ils se proposent au contraire de séparer et de trier les gens », dénonce-t-il, avant de dérouler un exposé stratégique dont chacun sera juge :

« Il faut réfléchir au-delà de l’instant. Il ne faut pas se laisser enfermer dans les injonctions de ceux qui veulent nous tordre les bras pour nous faire dire ci, nous faire faire ça. Que va-t-il se passer ? Arrivent les élections législatives. Si La France insoumise reste regroupée, elle sera présente dans 451 circonscriptions au deuxième tour. […] C’est une situation qui peut nous être favorable. Il faut penser de façon positive, sinon on rabougrit sa cause, on la réduit à un rôle de témoignage qui n’intéresse personne. Je vous propose d’aller de l’avant de manière conquérante. Il faut franchir l’étape en pensant à la suite. »

Sa position est pour le moins délicate : ni l’un ni l’autre, mais encore moins l’un que l’autre :

« Quel que soit le résultat du deuxième tour, nous avons affaire à deux personnages qui portent un projet qui va diviser tout le monde, créer une pagaille inouïe dans le pays. Le premier, parce que c’est l’extrême finance. Il va vous raboter ce qui reste d’acquis sociaux et organiser la guerre de chacun contre tous au plan économique. »

« Madame Le Pen c’est encore pire : elle ira fouiller dans les berceaux pour trier qui est français, qui ne l’est pas, qui ne le sera plus, en plus de la charge sociale qu’elle porte contre les intérêts des salariés – c’est certainement un des personnages les plus retors et fourbes sur le sujet », conclut-il.

« Ils créent le doute sur moi »

Jean-Luc Mélenchon s’en prend ensuite aux médias et responsables politiques qui l’accusent de complaisance à l’égard de l’extrême droite.

« Ils créent le doute, le doute sur moi. Sur ce que je pense du Front national. Mais moi mon opinion, elle est affichée sur tous mes habits depuis cinq ans [il montre son triangle rouge, NDLR] : la voilà. C’est l’insigne des déportés politiques. C’est la lutte pour la journée des 3-8. Vous voyez ? Ça me met à distance de bien du monde pour le deuxième tour. »

« Est-ce qu’il y a parmi vous une seule personne qui doute du fait que je ne voterai pas Front national ? Tout le monde le sait. Et d’ailleurs parmi les 7 millions de personnes qui ont voté pour moi, je suis quasiment certain qu’un nombre très résiduel va aller voter pour le Front national. »

« Nous sommes une mouvance politique qui n’a rien à voir avec l’extrême droite : nous y sommes confrontés historiquement, culturellement, philosophiquement », martèle l’eurodéputé, qui rappelle sa campagne législative à l’été 2012 : « C’est quand même bien moi qui suis allé à Hénin-Beaumont faire campagne contre Madame Le Pen ! »

Ce « doute » sur sa position, estime-t-il, est sciemment « créé pour mettre la pagaille dans la législative derrière. »

« Le comportement de Monsieur Macron le met chaque jour dans une situation un peu plus difficile. La première personne à laquelle il s’en prend c’est moi ! Vous allez finir par énerver tout le monde. […] Il a déjà perdu six points, et ce n’est pas moi qui les lui ai fait perdre. »

« Pourquoi je ne le dis pas ? »

« Je les vois qui se traînent à mes pieds pour que je dise ceci ou cela, mais non, je ne dois pas le faire », poursuit-il, intransigeant.

« Ce qui nous est demandé, ce n’est pas un vote antifasciste, ce n’est pas un vote anti-extrême droite. Ce que nous demande Monsieur Macron, il l’a dit, c’est un vote d’adhésion. Non, nous d’adhérons pas à ce projet. »

« Cela ne m’empêchera pas moi, comme personne, de faire ce que j’ai à faire. Je suis une personne libre, un individu, pas un pion. J’irai voter, d’abord parce que le vote obligatoire est dans mon programme et j’essaie d’être cohérent », promet Jean-Luc Mélenchon. « Ce que j’irai voter, je ne vais pas le dire, mais il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour deviner ce que je vais faire. Pourquoi je ne le dis pas ? Pour que vous puissiez rester regroupés. Pour que chacun d’entre vous, quelle que soit la décision qu’il va faire, reste en cohérence avec le vote qu’il a choisi à la présidentielle. »

« Vous n’avez pas besoin de moi pour savoir ce que vous avez à faire. Je ne suis pas un gourou. Je ne suis pas un guide. Je suis un responsable politique qui essaie d’éclairer le chemin et de porter la parole des autres. […] Vous allez prendre une décision, et je vous connais assez pour savoir ce que vous ne ferez jamais. »

Jean-Luc Mélenchon est déjà au coup d’après : assurer la cohésion de ses partisans en vue des législatives. « Mon rôle est de vous aider à rester groupés », répète-t-il, assurant tendre « la main à tous ceux qui veulent faire équipe commune avec nous, dans la France insoumise ».

« Je ne me retire pas de la vie politique, je ne pars pas en retraite, je ne suis pas dépressif, je suis au combat et j’y reste, je crois que je vais diriger la manœuvre pour les élections législatives parce qu’il faut une force conquérante », conclut-il.

T.V.

http://tempsreel.nouvelobs

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