Le héros au scooter raconte à nicematin : « J’étais prêt à mourir pour l’arrêter »

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"J’étais prêt à mourir en fait! J’étais lucide et prêt à mourir pour l’arrêter", témoigne Franck. Photo Sébastien Botella

Franck, c’est ce père de famille qui a tenté, au péril de sa vie, d’arrêter Mohamed Lahouaiej Boulhel. Il raconte comment il est parvenu à le frapper puis le ralentir avant les tirs des policiers.

Les images ont tourné en boucle. À la télévision. Sur Internet. Celles de cet homme. Approchant au guidon de son scooter et au péril de sa vie du camion de Mohamed Lahouaiej Bouhlel. De ce 19 tonnes de malheur en train de semer la mort sur une promenade des Anglais noire de monde.

Selon de nombreux témoignages et éléments concordant proches de l’enquête, on a cru que ce héros anonyme avait péri dans son geste aussi courageux que désespéré. Il n’en est rien. Franck, silhouette filiforme, pas encore la cinquantaine, est bien vivant.

Abîmé physiquement et psychologiquement. Mais vivant. Entre deux rendez-vous chez le médecin, cet employé de l’aéroport de Nice Côte d’Azur a accordé à Nice-Matin, « son journal« , un récit exclusif de cette nuit de malheur.

La jolie chemise bleu pâle qu’il porte cache les stigmates de son intervention. La main gauche endolorie. Une côte cassée et de gros hématomes sur le dos. Le sourire qu’il arbore durant l’interview peine à dissimuler les horreurs qu’il a vues. Et qui continuent à hanter ses nuits.

Ce soir-là, Franck était parti avec sa femme assister au feu d’artifice.

« On a pris la Promenade au niveau des Bosquets. On avançait tranquillement. En fait, je voulais aller au feu d’artifice, mais on est parti trop tard. Alors j’ai dit à ma femme, ce n’est pas grave allons manger une glace sur le Cours Saleya… Je me revois passer le carrefour de Magnan, tout allait bien. On croisait les gens qui commençaient à rentrer chez eux.

C’est une fois au niveau du Centre universitaire méditerranéen. On a senti un mouvement de foule venir dans notre dos. On a entendu des cris et des voitures se mettaient en travers. Ma femme m’a dit: ‘Arrête-toi, il y a un truc qui ne va pas’. Et le temps de se retourner, on a vu la foule courir dans tous les sens, comme si elle fuyait quelque chose. C’est alors que l’on a vu le camion arriver.

Nous, nous étions au milieu de la route. Il y avait peu de voitures. Je devais rouler à 60 km/h. Je n’ai même pas eu le temps de regarder dans mon rétroviseur. Et là, il m’a doublé à fond. Il roulait sur le trottoir. J’ai en tête les images des corps qui volaient de partout. J’ai tout de suite compris. J’ai alors décidé d’accélérer. Ma femme, derrière moi, me tirait le bras et me demandait où j’allais. Je me suis arrêté. Je lui ai dit: dégage! Et j’ai accéléré à fond.

Pour le rattraper, il fallait slalomer. Entre les gens, vivants et morts. J’étais à fond. Je ne pouvais freiner que de l’arrière car j’avais la poignée bloquée. Je me souviens même de crier dans le casque. Je criais à la mort en fait… Je n’avais que l’arrière du camion dans les yeux. J’étais déterminé à aller jusqu’au bout.

Il continuait à passer de la route au trottoir. Tapait de partout. A un moment, Je suis presque arrivé à l’arrière du camion, car j’ai un 300cm3 et que ça accélère vite. Je voulais à tout prix l’arrêter. J’étais dans un état second mais à la fois lucide. Je suis donc parvenu à me mettre sur sa gauche, mon objectif était d’atteindre la cabine.

Quand j’étais à son niveau, je me suis posé la question: qu’est-ce que tu vas faire avec ton pauvre scooter? C’est alors que je l’ai jeté contre le camion. J’ai continué à courir après lui. Je me souviens être tombé puis reparti à toutes jambes. Je ne sais plus ce que je faisais. Et finalement je suis arrivé à m’accrocher à la cabine.

J’étais sur les marches au niveau de la fenêtre ouverte. Face à lui. Je l’ai frappé, frappé, et frappé encore. De toutes mes forces avec ma main gauche même si je suis droitier. Des coups au visage. Il ne disait rien. Il ne bronchait pas.

Il avait son arme à la main. Mais le pistolet ne marchait pas. J’avais l’impression qu’il essayait de le manipuler ou de le charger, je n’en sais rien. Il me visait, appuyait sur la gâchette, mais ça ne marchait pas.

J’étais prêt à mourir en fait! J’étais lucide et prêt à mourir pour l’arrêter. Et je continuais à le taper. J’ai essayé de le sortir de la cabine par la fenêtre. Parce que je n’arrivais pas à ouvrir cette putain de porte. Et je tapais encore… Alors, il a fini par me mettre un coup de crosse sur la tête. J’ai eu des points depuis. Je suis alors tombé du marchepied et je suis remonté aussitôt!« 

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