Paris, Marseille, Saint-Etienne… Plusieurs villes de France sont touchées par la grève des éboueurs qui court depuis plusieurs jours. Euro 2016 oblige, la mairie de Paris a fait appel dès jeudi soir à des entreprises privées, déjà en charge de la collecte des ordures dans la moitié des arrondissements, pour enlever les poubelles qui s’entassaient sur les trottoirs.
Ce mouvement de grève, entamé à l’occasion de la contestation de la loi travail et reconduit jusqu’à mardi prochain en Île-de-France, nous permet de revenir sur une profession mal connue, et souvent mal perçue par la population.
1 – Un métier risqué et très accidentogène Si leurs conditions de travail se sont améliorées au fil du temps, le métier d’éboueur reste l’un des plus dangereux. «Le nombre d’accidents du travail pour 1000 salariés dans le traitement des déchets ménagers est plus de 2 fois supérieur à la moyenne nationale», écrit l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Les accidents sont notamment dus à la présence d’objets coupants ou de produits toxiques dans les poubelles, à la circulation dans les rues ou encore aux maniements des objets lourds (armoires, lits, etc.) que laissent les habitants dans les rues. «Leur hantise, c’est de tomber sur des seringues et d’être contaminés», rapporte Delphine Corteel, anthropologue et co-auteure du livre Les travailleurs des déchets*.
2 – Une espérance de vie limitée «Les tournées de collectes peuvent être éprouvantes: vous montez, vous descendez, vous courrez, vous remontez, vous redescendez du marchepied du camion, tout ça à une cadence élevée», décrit la sociologue qui est aussi maître de conférence à l’université de Reims. Les lumbagos, les entorses et autres troubles musculosquelettiques (TMS) sont des pathologies récurrentes chez les éboueurs. Leur espérance de vie est d’ailleurs plus courte que la moyenne. Arrivés à l’âge de 60 ans, les anciens ripeurs en régie (qui travaillent pour une collectivité territoriale) ont une espérance de vie de 16 ans, contre 17 pour celle des ouvriers non qualifiés en France et 19,4 ans pour l’ensemble de la population masculine**.
3 – Une activité parfois difficile à assumer La mauvaise humeur des automobilistes, les intempéries, les horaires décalés sont d’autres désagréments que connaissent bien les éboueurs. À cause des odeurs, «il est fréquent que les nouveaux ne parviennent pas à manger les premiers jours de travail», rapporte la revue Sciences Humaines. Mais le plus difficile pour eux, «c’est de surmonter le regard des autres», constate la sociologue Delphine Corteel. «Ils voient bien que les gens sont révulsés, se pincent le nez au passage d’un camion-poubelle». Les a priori sont aussi nombreux: «ils font grève», «ce sont des faignants», «ils ne travaillent pas beaucoup», disent les mauvaises langues. Résultats, une partie des travailleurs éprouvent de la honte. «Quand on leur demande ce qu’ils font dans la vie, certains se contentent de répondre qu’ils travaillent à la mairie de Paris», explique la sociologue. «D’autres vont même jusqu’à mentir en disant qu’ils occupent un emploi de bureau.
4 – Un métier qui attire quand même des candidats Quand on leur demande pourquoi ils ont choisi ce métier, les éboueurs répondent souvent la même chose: la stabilité de l’emploi et le salaire. «À 40 ans, après avoir passé près de 10 ans dans une boucherie entourée exclusivement d’hommes, j’avais envie de quelque chose de plus stable et de pouvoir travailler à un rythme moins élevé», raconte Christine P. dans L’Obs. «Quand j’ai vu ma première paye (environ 1500 euros), je peux vous dire que j’ai été fière: pour la première fois, j’avais un salaire à plus de trois chiffres!» Les salaires varient en fonction du statut et des primes. Un simple éboueur de la ville de Paris qui débute touche 1500 euros brut par mois. À l’échelon le plus élevé, ce salaire dépasse 2100 euros brut.
5 – Une fierté pour certains «Il y a aussi un sentiment de fierté», reprend Delphine Corteel. «Ils ont conscience de rendre un service utile à la population et d’être indispensables».
Christophe Clerfeuille, agent pour la ville de Bordeaux et créateur du Collectif Ripeurs, parle d’un métier «noble» dans les colonnes du Monde.
«Je me sens privilégié parce que je suis au service de la population», témoignait-il.
«Il arrive qu’on me dise merci! (…)
On nous colle des petits mots sur les poubelles: ‘On a fait la fête ce week-end, veuillez nous excuser si ça déborde’ ou ‘Notre petit-fils déménage, il vous remercie de vos coucous matinaux qui ont enchanté ses matins ‘».

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

*