Des ONG marocaines interpellent les chefs d’Etat d’Espagne et de France sur la responsabilité de leurs pays dans l’usage des gaz chimiques dans le Rif dans les années 1920.
Ils souhaitent une reconnaissance de ces crimes et des compensations sous formes d’infrastructures de santé.
Près d’un siècle après la guerre du Rif (1924-1927), les plaies sont encore vives. Demain samedi 7 février, l’Association pour la défense des victimes des gaz toxiques dans le Rif tient un colloque à Nador. Elle est dirigée par Rachid Raha et le numéro 2 du PAM Ilyas Elomari.
La date du 6 février marque l’anniversaire du décès en 1963 d’Abdelkrim Al Khattabi au Caire.
Le juriste Mimoun Charqi vient de publier l’ouvrage Armes chimiques de destruction massive sur le Rif. L’ouvrage décrit les bombardements aux armes chimiques et leurs conséquences sur le Rif. Il s’agit du gaz moutarde, du phosgène et de la chloropicrine.
Mimoun Charqi publie un courrier daté du 22 mars 1925 dans lequel le monarque espagnol de l’époque, Alfonso XIII écrit qu’ «avec l’aide du plus nocif des gaz, nous sauverons de nombreuses vies humaines. L’important est de les exterminer comme des ennemis, comme l’on fait avec des bêtes sauvages».
«Le venin»
Aujourd’hui, 80% des cas de cancers touchant des adultes et déclarés dans la région de Nador ont pour origine les gaz chimiques des années 1920, accuse l’association rifaine. 50% des cancers touchant les enfants sont de même origine soulignent des études américaines, européennes et japonaises citées par Mimoun Charqi dans son dernier ouvrage. Ces hommes et ces femmes atteints du cancer sont en majorité traités à Rabat.
Les témoins de l’époque racontent que les habitants du Rif appelaient ces armes chimiques «le venin».
Selon Mimoun Charqi, «certains jours, plus de 1.500 bombes chimiques étaient lancées sur le Rif». L’armée espagnole utilisait pour cela les aéroports du nord marocain et du sud de l’Espagne.
Aujourd’hui, les ONG marocaines soutenus par des forces politiques espagnoles réclament aux gouvernements de Madrid et de Paris la reconnaissance de ce «crime contre l’humanité».
Un centre non-utilisé à Al-Hoceima
Les ONG ne demandent pas de compensation financière directe pour les familles. Elles souhaitent qu’un centre d’oncologie soit construit à Nador. Nettoyer et dépolluer les zones affectées par les gaz chimiques dans le Rif reste également à faire.
Médias 24 a pu apprendre d’un centre d’oncologie bâti et équipé par l’Agence du Nord existe à Al-Hoceima. Mais il n’est pas opérationnel en raison de la réticence de médecins oncologues à s’installer dans le Rif. Tanger devrait également voir un centre d’oncologie ouvrir ses portes d’ici fin 2015.
Mbarka Bouaïda pas convaincante
Le sujet des compensations hispano-françaises a fait son apparition au parlement en décembre dernier à travers une question orale posée à la ministre déléguée aux Affaires étrangères Mbarka Bouaïda par le député USFP d’Al Hoceima Abdelhak Amghar.
Mais en plein bras de fer diplomatique avec Paris, décembre 2014 n’était pas le meilleur moment pour Rabat d’aborder le sujet avec Madrid… Mbarka Bouaïda avait parlé de discussions «confidentielles» sur le sujet avec Madrid sans convaincre.