Déjà 496 cas confirmés, dont 411 en Arabie saoudite, et un taux de décès de 20 à 30 %. Le virus respiratoire “MERS” est-il dangereux pour les pèlerins de cette année à La Mecque ?
Après le SRAS, le MERS-CoV (sigle anglais pour “syndrome viral respiratoire du Moyen-Orient – coronavirus). Le responsable d’une infection qui peut être fatale dans 20 à 30 % des cas. Foyer d’origine du virus : l’Arabie saoudite. Or, de nombreux pèlerins se rendront dans le royaume pendant la période du ramadan, qui commence fin juin. Des millions d’autres sont attendus en octobre pour le pèlerinage annuel ou hajj.
Doublement des contaminations
“On recensait au maximum une vingtaine de nouveaux cas par mois jusqu’en avril, où les contaminations ont doublé, relate le professeur Bruno Lina, directeur du Centre national de référence des virus de la grippe pour le sud de la France, chef du laboratoire de virologie du CHU de Lyon et membre du Comité de lutte contre la grippe (CLCG). Des personnes revenant d’un voyage en Arabie saoudite ont été atteintes.”
Le virus est arrivé ainsi au Liban et en Grèce, notamment. On peut observer son impressionnante progression sur les tableaux et graphiques du Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies.
Personnel soignant très exposé
Pour ce début du mois de mai, les contaminations sont en hausse de 25 %. “Un facteur de saisonnalité entre en jeu, reprend le professeur Lina. Ce qui cause aussi des inquiétudes, c’est le fait que l’Arabie saoudite semble rester observatrice plutôt qu’actrice face à l’épidémie. Ainsi, le risque sanitaire y semble mal pris en compte : beaucoup de soignants ont été contaminés par des patients. Comme au début de l’épidémie de SRAS, avant que l’on se rende compte que des mesures-barrières simples, instaurées lors de l’accueil du patient, protégeaient efficacement le personnel hospitalier.”
Car la transmission d’une personne à une autre est possible, même si elle est, pour le moment, rare. Les soignants sont particulièrement à risque, du fait des soins qu’ils prodiguent aux patients. Il serait capital de mieux comprendre les modes de transmission du virus, qui semble se propager des chauves-souris vers les camélidés, puis vers l’homme. Même si certains patients atteints n’ont eu aucun contact avec des camélidés.
Seule l’Arabie saoudite pourrait agir
“A l’approche du pèlerinage, il y a deux hypothèses : soit on assiste à une baisse progressive du nombre de cas, et il peut se passer relativement sereinement, soit le nombre de cas augmente, résume le professeur Lina. On peut alors se demander s’il est pertinent de laisser des millions de personnes se concentrer dans le foyer de contamination. D’autant que les pèlerins restent généralement plusieurs jours. Autant de conditions qui pourraient favoriser la mise en place d’une boucle de transmission inter-humaine. Mais les pèlerins préparent leur voyage plusieurs années à l’avance, et il reflète une importance capitale à leurs yeux. Seule l’Arabie saoudite pourrait décider, tant sur le plan sanitaire que sur le plan religieux, de limiter l’accès au pèlerinage. Elle pourrait aussi demander aux personnes âgées de reporter leur voyage, car la mortalité atteint 50 % quand des sujets âgés sont contaminés. Elle a déjà pris des mesures similaires, tout récemment, en interdisant son territoire aux voyageurs en provenance des pays touchés par le virus Ebola.”
Recommandations de l’OMS
Que peut-on recommander aux pèlerins qui choisiraient de se rendre en Arabie saoudite dans les semaines et mois à venir ? “Suivre les consignes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), reprend le professeur Lina : Eviter le contact avec des personnes souffrant d’infestions respiratoires, se laver fréquemment et soigneusement les mains, maintenir une bonne hygiène sanitaire et alimentaire (éviter la viande crue, les fruits et légumes non pelés et non préparés), et éviter tout contact avec des animaux sauvages. Et il faut dans tous les cas être conscient du risque de contamination auquel on s’expose en partant.”
Serait-il pertinent d’envisager des mesures dans les aéroports ? “Elles sont déjà en place ! s’exclame le professeur Lina. On tente de repérer les patients fébriles. Mais, matériellement, c’est compliqué à généraliser, car tous les pèlerins ne reviennent pas par un vol direct. Ils transitent souvent par d’autres pays, et ils ne sont pas identifiés à leur arrivée comme venant de La Mecque ou de Médine.”