Web. Le Maroc selon Wikipédia

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Ils sont une soixantaine, tous bénévoles. La mission 
qu’ils se sont fixée : permettre au Maroc d’exister 
sur la plus grande encyclopédie en ligne.

« Bienvenue sur le projet Maroc ! » indique une page Wikipédia ornée des armoiries du royaume. En langage wiki, un projet est une communauté qui regroupe « les contributeurs autour de thématiques, centralisant ainsi ressources, discussions, recommandations et outils de travail autour d’un domaine », annonce l’encyclopédie en ligne. Wikipédia en compte des milliers, de la chimie aux sports collectifs, en passant par le Maroc. Créé en 2007, le projet Maroc est principalement alimenté par des Marocains, tous francophones. Sur les 66 membres, 58 sont actifs et 3 en sommeil, c’est-à-dire sans participation depuis plus de quatre mois, et 3 définitivement retraités.

Une histoire de pseudos

Derrière le pseudonyme de Omar-toons se cache un ingénieur originaire de Rabat. Sa page d’utilisateur Wikipédia annonce la couleur de ses opinions politiques : istiqlalien et monarchiste réformiste, il soutient la souveraineté de la Palestine, tout en reconnaissant la légitimité d’Israël. Il a participé à l’élaboration d’une cinquantaine d’articles et mis en ligne plus d’une vingtaine de cartes, des possessions portugaises au Maroc entre le XVIe et le XVIIIe siècle au tracé du tramway de Casablanca. Omar Tounsi Sebbahi, de son vrai nom, a 28 ans et contribue à Wikipédia depuis huit ans. « Mais ce n’est qu’à partir de 2010 que j’ai commencé à contribuer activement à l’encyclopédie », précise-t-il. Ce qui le motive, c’est « un perpétuel désir de partager l’information et une volonté de faire découvrir des sujets inconnus aux lecteurs », ajoutant que « l’un des articles que j’ai lancés à partir de rien du tout, la république du Bouregreg, a terminé labellisé ‘Bon Article’. Une fierté pour le passionné d’histoire de Rabat et Salé que je suis ! ». Écrire sur Wikipédia nécessite-t-il un temps libre conséquent ? Pas pour Omar : « La vie rédactionnelle fait partie du temps consacré aux loisirs, il suffit de savoir donner à chaque chose le temps qui lui faut ». Il regrette, toutefois, l’époque où il était étudiant. Non pour la marge de liberté qu’il possédait, mais parce qu’il avait facilement accès aux livres : « Je pouvais consulter des bases de données universitaires assez conséquentes. Aujourd’hui je fais avec le peu de littérature qui m’est accessible ».

Un vide à combler

Sur la page d’utilisateur d’Ismael Zniber, aucune indication sur ses opinions politiques. Seules ses contributions sont mentionnées : il a participé à la rédaction de plus d’une centaine d’articles, non seulement pour le projet Maroc mais aussi pour les projets Espagne, France, Turquie, Royaume-Uni, Palestine, etc. Ismael se décrit comme « un fossile, un citoyen du monde et un boulimique du savoir ». Né en 1997 à Rabat, il étudie au Lycée Descartes depuis 2012, date à laquelle ce féru d’art et d’histoire a également commencé à collaborer à Wikipédia. Ce qui l’a poussé à y participer ? « J’utilise énormément Wikipédia, comme tout le monde. J’ai remarqué qu’elle était très lacunaire au niveau de l’histoire et de la culture marocaines. Ma première motivation a donc été de ‘redorer le blason’ du Maroc ». Rompu au travail encyclopédique, il en connaît les aléas. « Par exemple, pour rédiger un article sur la Bataille de Salé, je me rappelle avoir séjourné à la bibliothèque Sbihi en lisant de vieux bouquins poussiéreux, en arabe, auxquels on ne comprend rien à première vue ». Pour lui, également, étudier et collaborer à Wikipédia ne sont pas antagonistes : « Pour l’équilibre entre vie scolaire et vie rédactionnelle, je m’en sors pas mal à vrai dire », estime Ismael, pour qui « Wikipédia est la plus noble invention de ce siècle. Peu de gens réalisent vraiment ce que c’est, ce qu’elle représente ».

Saâd A. Tazi, lui, fait partie des contributeurs occasionnels de Wikipédia, « mais je crois à la force de ce modèle de partage et de transmission », déclare-t-il. Ancien directeur de publication du journal Le Soir Échos, il estime que ce modèle « permet de diffuser des micro-informations qui ne sauraient trouver leur place dans une encyclopédie traditionnelle, a fortiori lorsqu’elle est imprimée et vendue ». Il s’est inscrit au Projet Maroc « par curiosité et intérêt, bien que je trouve que le projet ne s’enrichit pas à un rythme acceptable ». De son expérience sur Wikipédia, il pense que « le monde des wikis est un univers incroyable. Pour chaque activité, chaque sujet, il existe au moins un wiki ». Quant à la question du temps, il considère que « contribuer à Wikipédia ou à une association relève des multiples activités que chacun d’entre nous a chaque jour en fonction de ses intérêts ».

Wikiguerre

L’écriture encyclopédique est un sport de combat. Pour preuve, il suffit, pour chaque article sur Wikipédia, de consulter la page « Discussion », accessible via un onglet situé en haut de l’article. Cette page recense les interventions, les modifications, les ajouts et les suppressions qui ont eu lieu. La gageure de Wikipédia, l’objectivité, passe par une guerre informationnelle à coups de sources et références. En ce qui concerne le Projet Maroc, les sujets les plus polémiques sont « le Sahara et tout ce qui y est lié, la Guerre des Sables, l’histoire du Maroc », nous explique Omar Tounsi. Et vu son caractère participatif, les contributeurs du Projet Maroc sont parfois amenés à collaborer avec ceux du Projet Algérie. Comment cela se passe-t-il ? « Il se trouve que l’histoire commune des deux pays dépend plus de mouvements partis du Maroc pour conquérir l’Algérie que du contraire, ce que les Algériens n’admettent aucunement. Mais Madame Histoire est têtue, Wikipédia n’y change rien », estime Omar Tounsi, ajoutant que « les Marocains, aussi, ont du mal avec certains principes et règles de Wikipédia qui ne disent pas que le Sahara est marocain sans pour autant le considérer comme un territoire indépendant, ce qui est mis à mal par les défenseurs des positions des deux bords ». Mais les utilisateurs de Wikipédia sont des gens de culture et « s’il y a débat, il est d’ordre intellectuel, sans arriver à la polémique », estime pour sa part Ismael Zniber. Un avis partagé par Saâd A.Tazi, qui pense que « l’une des forces de Wikipédia est de pouvoir justement rassembler sur une seule page des informations disparates ».

Source:Telquel

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