Les « mules » de Mélilla à la Une du New York Times…

0
1714

NYTimes

Le Maroc et ses habitants ne font pas souvent la Une du grand quotidien américain « The New York Times », mais l’édition du 31 mars dernier déroge à cette règle…
En effet, le numéro daté du dernier jour du mois de mars 2014 consacre sa « covert front page » à la triste vie et aux souffrances de ces Marocaines qui habitent les zones frontalières des enclaves espagnoles de Sebta et Mélilla, portant sur leur dos, chaque jour, des charges dont le poids est souvent supérieur à 100 kilogrammes.
Ces ballots, dont le contenu est essentiellement constitué d’appareils électroniques, d’électro-ménager (y compris des machines à laver et des réfrigérateurs !), de produits alimentaires ou cosmétiques, sont en réalité achetés par des commerçants marocains qui « se font livrer la marchandise » grâce à ces frontalières, qui disposent d’un laissez-passer permanent pour entrer dans les enclaves.
Leur noria, qui rappelle tristement le mythe de Sisyphe, est légale, puisque tout ce qui est porté par un individu traversant la frontière est considéré par les Douanes comme des « objets personnels »…
Cette contrebande, qui s’opère au vu et au su de tout le monde depuis des décennies est, en réalité, fortement encouragée par les autorités des enclaves.
En effet, Sebta et Mélilla bénéficient d’un régime spécial d’exemption de toutes taxes et autres droits de douane par l’Etat espagnol, et l’économie de ces « présides » dépend très largement en fait du « commerce à dos de femmes » opéré au bénéfice également des commerçants marocains installés à Beni Ansar, à Fnideq, M’diq, à Tétouan, à Nador… lesquels financent les allers et retours de ces pauvres malheureuses. Le plus souvent d’ailleurs, la marchandise ainsi introduite dans le Royaume est destinée à d’autres places fortes du commerce informel telle la « Joutiya de Derb Ghallef » à Casablanca, notamment.
L’article du New York Times, signé de Mme Suzanne Daley, s’étend longuement sur cette forme ignoble de « traite des femmes ».

Un pactole pour l’Espagne !

La journaliste américaine relève les conditions de vie effroyables de ces « passeuses » que l’on appelle les « femmes mules », transportant sur leurs frêles épaules des ballots de 220 livres, pour un gain misérable de 3 euros par passage, soulignant que ces « coolies » marocaines en réalisent au plus dix par jour, pour un revenu mensuel de 300 euros au maximum !
Mais si les charges sont lourdes, les bénéfices pour l’économie espagnole sont conséquents puisque l’on estime à 300 millions d’euros chaque année le montant des marchandises destinées à la seule Mélilla pour transfert illégal vers le Maroc.
Outre le préjudice conséquent infligé à l’économie nationale par ce trafic quotidien, on ne peut s’empêcher de s’indigner d’une telle situation infligée à ces pauvres femmes qui, selon leurs propres témoignages, s’épuisent très rapidement dans cette harassante noria qui engraisse leurs commanditaires. Ceux-ci sont confortablement installés dans leurs échoppes qui ne paient pas de mine, mais qui stockent des millions de dirhams en marchandises de contrebande.
Outre l’image très dégradée et RÉELLE que ce reportage, publié dans le premier quotidien d’Amérique du Nord, donne de la situation de la Femme dans certaines régions du Maroc, l’article apporte des éléments irréfutables sur l’attitude passive des autorités publiques nationales qui observent une passivité inacceptable.
Serait-ce parce que l’économie nationale ne peut offrir à ces Femmes des conditions de vie et de travail décentes ?
Alors que chaque année, on nous rabat les oreilles avec la célébration du 8 mars, « journée de la Femme », ce qui fut encore le cas il y a quelques semaines, il serait sans doute bon que l’opinion publique, les ONG, les partis politiques et l’Etat marocain consacrent ce 8 mars à « la journée contre l’esclavage féminin moderne » qui s’exprime de cette manière si éhontée.
Combien faudra-t-il de Unes de la presse internationale pour qu’un terme soit mis à ce scandale inadmissible ?

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

*