L’étendue des retombées des essais nucléaires français en Afrique enfin dévoilée

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Tanezrouft-Piste1990

Avant d’expérimenter ses armes nucléaires dans le Pacifique, l’armée française utilisait le Sud algérien comme terrain d’expérimentation.

L’enquête du Parisien sur les essais nucléaires français a de quoi inquiéter. Le quotidien a eu accès à des documents jusque-là classifiés secret défense, notamment des cartes qui montrent l’étendue des retombées radioactives des explosions qui ont eu lieu dans le désert algérien.

Une première déclassification instructive

Suite à une plainte de vétérans des campagnes d’essais nucléaires, les juges ont obtenu la déclassification d’archives de l’armée française. Avant d’être testées dans les iles du Pacifique, les armes nucléaires françaises étaient mises au point dans le Sahara. Des essais qui ont pris fin avec l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Pour enquêter sur le lien présumé entre les maladies de plusieurs soldats ayant servi en Afrique du Nord et les essais nucléaires, la justice se penche sur les relevés de radiation effectués par l’armée. C’est la première fois que ces données sont accessibles au public.

On y découvre que les retombées radioactives sont loin de concerner uniquement les zones désertiques du Sahara. Une carte qui bat en brèche les communications des officiels de l’époque qui assuraient que les explosions étaient inoffensives pour les populations.

Retombées d’Abidjan à la Sardaigne

La première bombe nucléaire française baptisée « Gerboise bleue » a ainsi semé des particules radioactives sur la majeure partie de l’Afrique de l’Ouest entre deux et huit jours après l’explosion. À J+13, le nuage radioactif recouvre toute l’Afrique du Nord – de la Mauritanie à l’Ouest libyen, ainsi que la moitié de la Sicile et les côtes sud de l’Espagne et de la Sardaigne.

Si la carte montre l’étendue de la dissémination de particules issues de l’explosion, elle ne précise pas les doses enregistrées. Dans les documents secret-défense, les militaires assurent qu’elles étaient « généralement très faibles » et sans conséquences. « Cela a toujours été le système de défense de l’armée », explique Bruno Barillot, spécialiste des essais nucléaires.

Mais, l’expert interrogé par le Parisien rappelle que « les normes de l’époque étaient beaucoup moins strictes que maintenant et que les progrès de la médecine ont démontré depuis que même de faibles doses peuvent déclencher, dix, vingt ou trente ans plus tard, de graves maladies. »

Une question de sécurité nationale ou diplomatique ?

Si la dangerosité du nuage a pu être atténuée par la dissémination à une grande distance de l’explosion, qu’en est-il des populations du Sud algérien et du Sahel ? À Arak, près de Tamanrasset, où l’eau a été fortement contaminée, mais aussi dans la capitale tchadienne de N’Djamena.

« La carte du zonage des retombées de Gerboise bleue montre que certains radioéléments éjectés par les explosions aériennes, tel l’iode 131 ou le césium 137, ont pu être inhalés par les populations malgré leur dilution dans l’atmosphère, explique Bruno Barillot. Personne n’ignore aujourd’hui que ces éléments radioactifs sont à l’origine de cancers ou de maladies cardio-vasculaires. »

Pour le moment, impossible d’avoir plus de précisions : le processus de déclassification prévoit un tri des informations rendues publiques en fonction de leur intérêt pour l’enquête, mais aussi pour la sécurité nationale. Aucune mesure précise n’est donc pour le moment disponible sur ce contentieux qui empoisonne les relations entre la France et l’Algérie, qui a déjà haussé plusieurs fois le ton pour obtenir réparation pour les populations exposées aux radiations.

Source:lecourrierdelatlas

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