Et me voici, pleine d’enthousiasme et de bonne volonté, après tout je ne fais que rentrer chez moi, là où je suis née et j’ai grandi, là où personne n’osera remettre en cause ma présence, là où le soleil brille tous les jours où les tomates ont du goût et où on a besoin de gens comme moi: qualifiés, expérimentés, dynamiques et pleins d’initiatives pour contribuer à la croissance et au développement du pays, n’est ce pas ? loin de toute prétention, je ne fais que reprendre des termes entendus dans un forum pour l’emploi, ciblant les étudiants marocains à l’étranger.
Mais alors que s’est-il passé? Pourquoi je n’ai plus envie de rester ? le soleil est au rdv tous les jours (malheureusement la sécheresse aussi), ma mère est toujours aussi poule même si je n’ai plus 16 ans, la ville où j’ai grandit n’a pas changé non plus ou peut être un peu mais en pire, les rues sont sales, anarchiques et surtout plus dangereuses … soudain je me suis rappelé pourquoi j’étais partie !
Saviez-vous que la sécurité est le premier critère d’évaluation de »L’indice du Bonheur Mondial »? c’est ainsi que la région la plus heureuse d’Europe est un petit village du nord du Danemark où on enregistre le plus faible taux d’agressions et où les habitants peuvent aller au travail sans fermer la porte de leurs maisons à clé. Je vous lance le défi mes chers compatriotes de faire la même chose le temps d’acheter un pain et revenir.
Je vous fait part ici du prolème de l’insécurité mais d’autres soucis n’en sont pas moins important: la circulation, la santé (osez vous casser une jambe pendant une randonnée loin de la ville et chronometrez !), une série d’angoisses me prennent à la gorge d’un seul coup et me font réfléchir sur ma capacité à re-vivre chez moi !
Selon mon amie Salma, qui prépare son doctorat en cultures et identités hybrides dans une université américaine, je suis certainement arrivée à la phase 2 du processus d’adaptation dans le cadre d’un choc culturel.. euh .. mais encore ? Elle m’envoie un article à lire pour vaquer à d’autres occupations plus interessantes que ma crise d’angoisse égo-centrico-narcissique.
L’article en question explique que le choc culturel se traduit par une anxiété de l’individu qui va perdre tous les signes et symboles familiers des rapports sociaux qu’il connait. Le processus d’adaptation est décrit en 4 phases:
– La Lune de miel: Période d’enchantement, de curiosité et d’intérêt pour le nouveau pays.
– Le Choc: La désillusion et la frustration causé par le déphasage culturel.
– L’Adaptation: L’intégration, en acceptant son nouveau mode de vie (ou bien la renonciation le cas écheant)
– La Maturité: La maîtrise totale des différences sociales et culturelles.
L’article encourage une meilleure compréhension de ces quatre temps pour permettre aux immigrants de mieux les apprivoiser et de les anticiper.
Ces éminents scientifiques ont bien dit « Immigrants » ?! Des personnes étrangères qui débarquent dans un nouveau pays qui doivent s’adapter à ses codes puisque ils ne peuvent PAS les changer. Mais je ne suis pas une immigrante chers messieurs, je suis une citoyenne, je suis née ici , je veux vivre ici , je suis une icicienne (dixit Debbouze).
Je refuse de croire que nous ne pouvons rien faire, je dis bien nous car il me semble que je ne suis pas la seule à souffrir de ce problème d’insécurité, sinon il n’y aurait pas eu trois files de stationnement devant les boulangeries. La plupart de mes amies m’on avoué qu’elles prenaient leur voiture pour le moindre déplacement parce qu’elle avaient … peur !
La plus grande hypocrisie dans ces fameux forums où on nous miroitait un Maroc florissant et prêts à accueillir de jeunes cerveaux tous frais pour faire exploser sa croissance, c’est que nous manquons de visibilité sur le déroulement de notre vie quotidienne. Il aurait fallu organiser en parallèle des forums pour encourager la vie associative, les initiatives privées, l’effort personnel de chacun conjugué à des organisations collectives pour améliorer la vie sociale. Il aurait fallu nous inciter à soigner ce pays de ces maux qui nous empoisonneraient la vie si on y retourne, car « comme on fait son lit on se couche », ce pays est le nôtre, ses problèmes aussi et ses solutions encore plus.
Certains me diront que c’est le rôle de l’état d’assurer la sécurité de ses citoyens , c’est bien le gouvernement qui assure la cohésion sociale par le biais du système d’imposition sur les revenus et de redistribution des richesse ? Certes, mais nous savons tous que nous vivons dans un modèle d’état « Fantomas » plutôt qu’un état « Robin des bois » et en attendant que Robin trouve le moyen de prendre aux riches pour donner aux pauvres et résoudre tous les problèmes sociaux qui découlent de la misère et la précarité, c’est à nous d’agir si nous voulons vivre heureux et sereins dans ce pays. Car contrairement aux pays développés nous ne pouvons pas prétendre que ces délinquants sont le résultat d’une immigration mal encadrée, ou que nous sommes victimes d’un exode sauvage de réfugiés ingrats, nous ne pouvons pas nous réfugier derrière ce type d’arguments car notre mal est une bactérie propre à notre corps et non un virus contracté par contagion. Nous devons affronter la dure réalité qui est que notre développement à deux vitesses (morocco mall /bidonville de sidi abderahmane) va nous porter préjudice à tous et nous devons agir pour réequilibrer notre société.
Les associations civiles qui agissent dans le domaine social ne manquent pas, les moyens oui ! Ces braves Aït Débrouillle et compagnie comme les a si bien nommé l’écrivain Fatima Mernissi veulent parer à l’absence de l’état dans plusieurs domaines et ils ont bien raison. Nous autres les « qualifiés » connaissons bien la planification stratégique et les perspectives à long terme. Chaque centime injecté dans les actions sociales est un investissement dont on percevra les bénéfices dans la pérennité, chaque enfant recueilli dans un centre d’accueil est la garantie de ne pas en retouver un dans la rue pour vendre du chewing-gum dans le meilleur des cas ou autre chose (drogue, sexe, baston & autres services criminels). Alors donnons de notre argent, c’est le plus facile de tous les dons, Dieu nous le rendra et le pays aussi.
Moi, je fais un rêve…Je rêve qu’un jour je marcherai 50 metres dans les rues de Casablanca sans être menacé par un voleur ou harcelé par un pervers sexuel, sans entendre un misérable enfant mendier ou bien un conducteur névrosé m’insulter, je marcherai avec mes talons hauts sans trébucher dans un trou sur la chaussée ou un sac d’ordures, je fais ce rêve…Inshallah.