Eau au Moyen-Orient :Les agriculteurs égyptiens redoutent le barrage éthiopien sur le Nil

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Un dossier explosif et un défi majeur : le partage des eaux du fleuve du Nil exploité par dix pays africains, dont l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie, a souvent conduit à des tensions politiques. Aujourd’hui, face à la menace que représente la construction d’un ouvrage colossal en Éthiopie, à la source du Nil, les agriculteurs égyptiens, déjà affaiblis par une économie en ruine, redoutent qu’en diminuant le niveau du fleuve, ce barrage réduise à néant leurs revenus.

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“Nous ne voulons pas de ce barrage”, lance Saïd al-Simari depuis sa modeste parcelle de terrain dans le Delta du Nil, principale source d’eau pour les Égyptiens depuis des milliers d’années. “Nous sommes très inquiets pour nos cultures, nous voulons cultiver nos terres et pour cela, il nous faut de l’eau. C’est déjà assez difficile avec l’eau que nous avons, alors je ne peux pas imaginer comment nous ferions sans”, explique-t-il à l’AFP.

La vie de l’Égypte suspendue au Nil

Le lancement fin mai dernier d’une déviation en Éthiopie du Nil Bleu, qui rejoint le Nil Blanc au Soudan pour former le Nil, en vue de la construction d’un barrage hydro-électrique d’un coût de 3,2 milliards d’euros suscite de grandes interrogations chez les agriculteurs égyptiens. Cette décision a réveillé en Égypte la peur viscérale de manquer d’eau, avivant les tensions régionales autour du contrôle du fleuve.

L’Egypte redoute que ce colossal ouvrage ne réduise le débit du fleuve. Une question très sensible dans ce pays, où les experts dénoncent une pénurie d’eau à cause de la forte croissance de la population.

Le changement climatique et la croissance démographique s’accentuant au Moyen-Orient, l’eau est incontestablement l’un des défis les plus inquiétants du XXIe siècle.

“En moyenne, un Égyptien consomme de 620 à 640 mètres cubes d’eau par an. Sachant que le seuil de pauvreté en eau se situe à 1.000 mètres cubes, nous sommes déjà en-dessous.”

Alaa al-Zawahry, fonctionnaire chargé d’étudier l’impact du barrage éthiopien.

Des droits historiques sur le Nil

L’Égypte considère que ses “droits historiques” sur le Nil sont garantis par les traités de 1929 et 1959, lui accordant un droit de veto sur tout projet en amont qu’elle jugerait contraire à ses intérêts.

Ces textes sont toutefois contestés par la majorité des autres pays du bassin du Nil, dont l’Éthiopie, qui ont conclu un accord distinct en 2010 leur permettant de réaliser des projets sur le fleuve sans avoir à solliciter l’approbation du Caire.

L’Égypte, qui compte près de 85 millions d’habitants, tire du Nil 90% de son eau, et même en conservant les accords actuels, le fleuve ne suffira plus à ses besoins à partir de 2017.

Par ailleurs, une augmentation de la température de la terre de 1ºC dans un proche avenir va entraîner un accroissement de 10% de la demande en eau pour irriguer les terres agricoles.

La première phase du projet devrait s’achever en 2016. Remplir le barrage éthiopien devrait prendre environ cinq années au cours desquelles la réserve stratégique du barrage égyptien d’Assouan sera réduite drastiquement.

À l’issue des cinq années, “des pénuries d’électricité vont commencer et l’Égypte aura perdu sa réserve stratégique”, privant les agriculteurs d’une protection supplémentaire, estime M. Zawahry.

Des tensions explosives

Le partage des eaux du Nil a conduit souvent à des tensions politiques, qui peuvent devenir explosives dans un proche avenir.

Des accords hydro-politiques ont été signés entre les divers pays du bassin du Nil sur la façon d’exploiter ses eaux courantes, mais en attribuant des parts inégales aux pays concernés, selon leur location géographique en amont ou en aval.

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86% de l’eau alimentant le Nil provient de l’Éthiopie

L’Éthiopie projette de mettre en place huit grands barrages tandis que l’Égypte et le Soudan insistent sur le respect et l’application à la lettre des accords signés dans le passé.

Par ailleurs, Le Caire et Khartoum refusent fermement l’application de l’accord coopératif du bassin du Nil (1999), qui vise à exploiter d’une façon équitable les ressources hydriques dans ce bassin commun.

Ceci sans compter avec la récente sécession du Sud du Soudan, pays susceptible de lancer des projets hydriques au point de rencontre du Nil Bleu et du Nil Blanc. Autant de projets qui mettront en péril la sécurité nationale de l’Égypte et du Nord Soudan, dont l’eau est la clé de voûte.

Pourtant, les pays de la région du Moyen-Orient se doivent de s’engager dès à présent à résoudre le problème de l’eau de façon équitable afin d’assurer la sécurité hydro-politique à leurs populations.

Israël, grand consommateur dans la région

[box type= »note » size= »large » style= »rounded »]68% de l’eau consommée en Israël (ce qui équivaut à 1 million de mètres cubes par an) vient de l’extérieur de ses frontières actuelles. Les sources d’eau israéliennes se répartissent à 28% en provenance d’une zone occupée du Liban, 25% de la Cisjordanie palestinienne et 15% de la Bande de Gaza, en plus de son exploitation de 80% des bassins hydriques partagés avec les Palestiniens.[/box]

Le stress hydrique dans le monde

[box type= »note » size= »large »]Un nombre croissant de régions dans le monde se trouvent désormais périodiquement à court d’eau. Aujourd’hui, plus de 40% de la population rurale de la planète vit dans des régions structurellement déficitaires en eau, et en 2025, les deux tiers de la population mondiale pourraient être exposés au stress hydrique. La crise de l’eau pourrait être à la source d’une crise mondiale qui risque d’engendrer des conflits. La principale préoccupation d’un nombre croissant des populations rurales pauvres est désormais le maintien de leur accès à l’eau.[/box]

 

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