En juin dernier, Alger décidait de renforcer ses contrôles à la frontière nous séparant de nos chers voisins. Pour 18.000 Marocains de l’Oriental, cette décision tue leur commerce lié à la contrebande alors que le reste de la population souffre de ce tour de vis d’Alger.
Un trentenaire sirote un thé face au poste-frontière de Zouj-Bghal. Il semble dépité.
Depuis que les Algériens ont verrouillé la frontière, ma voiture n’a pas bougé. Elle transportait jusqu’à une tonne de gazole, deux-trois fois par jour. Aujourd’hui, elle ne sert plus à rien.
Un contrebandier de carburant de la région de l’Oriental
La frontière terrestre entre le Maroc et l’Algérie, officiellement fermée depuis 1994 n’était pas vraiment étanche puisque des centaines de personnes la traversaient quotidiennement et la contrebande de carburant et de marchandises y était courante.
Mais, en juin, Alger a pris des mesures drastiques et lancé des contrôles massifs à ses frontières. Le gouvernement algérien avait alors souligné que 600.000 voitures roulaient dans les pays voisins avec du carburant de contrebande: un trafic qui représenterait un manque à gagner de onze milliards de dirhams pour l’Etat algérien.
En Algérie, pays producteur de pétrole, un litre d’essence vaut 23 dinars (2,35 dirhams) et celui du gazole 13,40 dinars (1,37 dhs). Au Maroc, et encore plus depuis l’indexation sur les carburants décidée par le gouvernement, le litre d’essence coûte beaucoup plus cher: 12,77 dhs et le gasoil s’élève 8,84 dhs.
La décision algérienne a évidemment eu des répercussions sur les populations de l’Oriental où près de 18.000 Marocains vivaient avant juin 2013 du trafic de carburant dans la région, d’après Hassan Ammari, de l’Association marocaine des droits humains (AMDH). “Que vont-ils faire maintenant?”, se demande M. Ammari.
Les conséquences de cette mesure des autorités algériennes ne se sont pas faites attendre: les prix du carburant de contrebande ont flambé et de 90 dirhams avant juin, le bidon de 30 litres de gazole est passé à 250 dirhams.
Contrebande à dos d’âne
Aussitôt, les 4.000 grands taxis de l’Oriental ont augmenté leur tarif de 20%. Malgré cela, le compte n’y est pas.
Nous en avons marre de cette situation. Un jour, nous allons enlever les roues de nos voitures et tout bloquer.
Fathi Miri, un représentant de la profession
Face aux contrôles renforcés ainsi qu’aux fossés creusés par les autorités algériennes selon les contrebandiers, les ânes sont devenus le seul moyen de franchir la frontière depuis juin.
Chargés de bidons, ils sont des centaines à traverser quotidiennement, dès le coucher du soleil, champs d’oliviers et chemins escarpés, pour assurer l’approvisionnement en carburant.
“L’armée algérienne a récemment tiré sur des ânes et les a tués”, relève un habitant.
La nouvelle donne a poussé certains à passer du transport de carburant à celui des personnes.
“Je fais rentrer les Marocains en Algérie et les Algériens au Maroc”, dit l’un d’eux. “Je perçois 300 dirhams pour chaque client transporté. Mais avec l’hiver, il n’y aura plus personne”, s’inquiète-t-il.
Des stations-essence dans l’Oriental
Et pour assurer l’approvisionnement de la région en carburant, le gouvernement marocain a pris des mesures et veut développer le nombre de stations-essence dans la ville d’Oujda, qui n’en a actuellement que 13.
La région reçoit environ 700 tonnes de carburant par jour, afin de compenser partiellement les 300.000 tonnes qui venaient d’Algérie, affirme Mohamed Benkaddor, président de l’Association de protection des consommateurs de l’Oriental (APCO).
Même le député Pjdiste d’Oujda, Abdelaziz Aftati, plaide pour une réouverture officielle de la frontière. “La coopération entre nos deux pays est une nécessité, malgré les divergences”, assure-t-il.
De son côté, Alger s’est félicité début septembre de ses récentes mesures prises contre la contrebande, estimant qu’elles commençaient “à porter leurs fruits”.
Source:aufait/AFP