Conférence sur l’expulsion des Marocains d’Algérie en 1975 à Bruxelles

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Un colloque sur « L’expulsion des Marocains vivant en Algérie en regard du droit international et humanitaire » sera organisé le vendredi 17 mai 2013 de 08h30 à 12h30 au Sénat de Belgique, à Bruxelles. Le renvoi par le gouvernement algérien de plusieurs milliers de ressortissants marocains hors du territoire le 8 décembre 1975 laissant derrière eux biens matériels et familles, les a poussés à créer, dès le lendemain de cet événement, des associations en France et au Maroc afin de faire valoir leurs droits.

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Ce débat pousse à la réflexion quant aux revendications de ces expulsés, les actions menées, les résultats attendus, leurs mobilisations, les enjeux portés par leurs combats pour la mémoire, la reconnaissance de leur souffrance, la réhabilitation du statut de leurs aînés et un dédommagement financier et/ou moral.

Lors de ce programme, sont attendus des acteurs de la société civile, des politiques, des journalistes et universitaires :

8h30 : Accueil des participants

9h00 : Marie ARENA, Sénatrice. Introduction

9h15 : Abdellah HARSI, Professeur à la Faculté de Droit de Fès. L’expulsion des Marocains d’Algérie au regard du droit international de la migration

9h35 : Eric DAVID, Professeur émérite de droit international à l’Université Libre de Bruxelles. Les possibilités de recours (particuliers, associations, états) auprès des instances internationales

10h55 : Hadj GACEM, Journaliste (Presse écrite algérienne). Vision algérienne des expulsions et mesure de rétorsion du gouvernement marocain

10h15 : Pause

10h30 : El Houssine BOUASRIA, Vice-président de l’ADMEA (Association de défense de marocains expulsés d’Algérie), expulsé en 1975. Objectifs et missions de l’ADMEA

10h50 : Mohamed CHERFAOUI, Expert à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), expulsé en 1975. Témoignage

11H10 : Débat

12h00 : Fatiha SAIDI, Sénatrice. Conclusions

c0ce795ba27caf83b88a400cd7cce255Le 18 décembre 1975, le gouvernement algérien expulse 45 000 Marocains établis en toute légalité sur le territoire algérien. Ces personnes qui se sont intégrées depuis des décennies en Algérie, ont fondé familles, pris les armes, durant la guerre, contre l’occupant, se voient expulsées, arbitrairement et sans sommation vers le Maroc. Le mot d’ordre est donné le jour de la fête de l’Aid El Kébir, fête qui se mue en drame humanitaire pour les expulsés et leur famille.

Aujourd’hui, les enfants et petits-enfants ayant vécu cette expulsion, en direct ou en différé veulent savoir ce qui s’est passé. Une interrogation légitime fondée sur le devoir de mémoire et la construction identitaire.

C’est le 18 décembre 1975, jour de l’Aïd-El-Kebir, que le gouvernement algérien, avec, à sa tête le Président Houari Boumédiène, entame une opération d’expulsion massive de Marocains établis en Algérie depuis des décennies. L’opération est une riposte politique à la monarchie marocaine qui a mobilisé 350.000 Marocains, déferlant de toutes les régions du Maroc vers le sud marocain, pour revendiquer la marocanité du Sahara.

Les Marocain/es sont renvoyés manu militari, laissant derrière eux une partie de leur famille, leurs biens mobiliers, financiers et autres… En arrivant aux frontières marocaines, les personnes expulsées vivront sous des tentes dressées à la hâte, par les autorités marocaines. Cet abri de fortune sera le lot de quelques uns durant quelques semaines et de nombreuses années pour d’autres.

Ces milliers de refoulés ne peuvent être contenus dans la seule ville d’Oujda et ils seront dès lors déplacés vers d’autres contrées du pays. La plupart des refoulés d’Algérie découvrent leur pays d’origine pour la première fois et connaîtront les conditions difficiles de la vie dans un camp. Elles connaîtront aussi l’exclusion, les quolibets de la population locale qui les surnommeront «immigrés», «expulsés», «polisario»…

Depuis 2005, des associations se sont créées au Maroc, en France et bientôt en Belgique car des milliers de personnes veulent tenter de comprendre, analyser avec le recul, écouter les témoignages, recouper les faits…, en un mot, reconstituer les morceaux d’une histoire trop vite oubliée, d’une page de l’histoire tournée sans être lue. Elles ne sont nullement animées par un esprit revanchard ou axé sur la restitution des biens matériels laissés en Algérie. Leur démarche s’inscrit dans une perspective de travail historique, de réhabilitation de la dignité de milliers de personnes et aussi de vigilance afin que des épisodes aussi dramatiques que celui-ci (entre autres) ne se reproduise plus jamais.

Ces associations veulent savoir comment des familles entières, dépossédées de leurs biens, déchiquetées du jour au lendemain dans leur tissu familial, social, relationnel ont été reçues dans leur pays d’origine. Que sont devenues ces personnes brisées dans leur quotidien? Que sont devenues ces familles séparées? Comment ont-elles assumé leur subsistance lorsqu’elles se sont vues privées de toute ressource matérielle et financière? Que sont devenus ces enfants dont on a brutalement sectionné la scolarité?

En 2004, le Maroc, par la voie de l’Instance Equité et Réconciliation (IER) a ouvert le dossier sombre des années de plomb. Il devrait aujourd’hui, se plier au même exercice, pour ce douloureux fragment de l’histoire. En effet, malgré toutes les limites que l’on peut imputer à l’IER, elle a eu le mérite de libérer la parole, de dire l’indicible, de penser/panser les plaies, de se diriger vers une sérénité individuelle et nationale.

Dans le cas des Marocains expulsés d’Algérie, il s’agit de leur ouvrir un espace pour leur permettre de se libérer de cette souffrance, non pas comme un exutoire mais bien comme une énergie positive au service de la construction de la mémoire et préparer l’avenir.

Le gouvernement marocain, ses décideurs politiques et institutionnels doivent porter ce fardeau de l’histoire avec les victimes car il est trop lourd pour leurs seules épaules. C’est un devoir politique et de solidarité que de les accompagner dans leurs démarches et leur assurer soutien moral, logistique et autre. En effet l’oubli est un second crime.  Par ailleurs, du côté dirigeants algériens, il serait tout à l’honneur de son gouvernement d’aller à la rencontre des familles qui ont été les victimes d’un acte politique misérable, irrespectueux de l’humain et de sa dignité. Malgré toute la honte qu’il pourrait éprouver pour le geste, il lui appartient et fait partie intégrante d’un moment de son histoire qui doit être assumé.

3 Commentaires

  1. Auriez-vous l’amabilité de transmettre à L’association des Marocains expulsés d’Algérie (ADMEA) la question suivante :

    Dans la mesure où il n’existe aucune dynamique politique ou médiatique digne de ce nom pour appuyer vos revendications et faire valoir vos droits, n’est-il pas plus judicieux et pertinent de porter plainte auprès des instances internationales ? Pour que vos droits ne tombent pas dans l’oubli définitif, c’est une des voies de recours les plus prometteuses, à mettre en œuvre avec beaucoup de détermination, en s’appuyant sur des ONG ou des associations humanitaires.

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