Transport clandestin: Le racolage, trafic de tous les dangers !

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Absence d’assurance et de permis de confiance, manque de sécurité, dangers divers… les adeptes du transport informel prennent tous les risques.

Le transport en commun dans les grandes villes ne peut servir le grand nombre de voyageurs quotidiens et les embouteillages infernaux, du coup, les taxis et les autobus ont de plus en plus de mal à répondre aux besoins de la population. Il suffit de faire un tour dans une ville comme Casablanca, Rabat ou autre pour s’en rendre compte. Résultat, certains malins ont profité de cette situation pour gagner un peu d’argent. Il s’agit du transport clandestin, qui ne l’est pas tant que cela, puisque ces chauffeurs travaillent tranquillement aux yeux et au su de tout le monde.

Casablanca, il est 18 h 20 et les boulevards sont condensés de voitures. À l’arrêt des autobus et taxis, les gens continuent à affluer et leur nombre augmente au fil des minutes qui passent sans qu’aucun moyen de transport en commun pointe le bout de son véhicule. Soudain, une voiture, vieux modèle des années 80 et délabrée, s’arrête devant l’arrêt et le chauffeur lance : «Sidi Maârouf». Les non avertis sont surpris. Les habitués montent dans le véhicule sans se faire prier : C’est un «khettaf» (rabatteur de places) : un inconnu qui n’a ni le droit ni le statut légal pour les emmener à bon port. Mais qui le fait, moyennant un tarif moyen de 5 DH. «C’est le seul moyen pour rentrer chez soi pendant les heures de pointe. Les embouteillages sont tellement importants que les grands taxis et les bus ne passent que toutes les 30 min et ils sont bandés de personnes. On n’a pas le choix», souligne Youssef, avant de s’embarquer dans la voiture. Quelques minutes plus tard, un autre véhicule s’arrête et le chauffeur propose également ses services. «Je n’éprouve aucune honte à faire ce travail. J’ai une famille à nourrir. Les gens ont besoin de nos services et c’est rentable pour nous d’assurer leur transport. C’est un service gagnant-gagnant», affirme celui-ci. Et d’ajouter : «Même si ce que je fais est illégal, ce n’est pas malhonnête en tout cas. Je m’engage à ramener les clients à bon port sans prendre de risques sur la route et en respectant le Code. Aussi, je conduis une voiture assurée et je ne prends que le nombre de personnes autorisé par mon permis».

Dangers pour les citoyens
Si ce chauffeur tente de respecter certaines règles de «déontologie», tous les «khettafas» (racoleurs) n’ont pas la même conscience professionnelle. «J’ai pris un chauffeur clandestin une fois, parce que je n’arrivais pas à trouver d’autres moyens de transport pour rentrer chez moi et j’ai décidé de ne plus renouveler l’expérience. On était sept personnes dans une voiture qui ne pouvait contenir que cinq et le chauffeur roulait à toute allure en ne respectant aucune signalisation. J’étais pétrifiée», se souvient Siham.
Pire encore, lorsque les chauffeurs clandestins choisissent de desservir les zones en périphérie des grandes villes, ils se permettent tous les excès. «Pour embarquer avec un “khettaf” sur de longs trajets, il faut avoir les reins solides : il roule à 100 km/h, ne respecte aucune priorité et on s’entasse à neuf ou dix dans le véhicule ; cinq ou six s’installent derrière et trois devant en plus du chauffeur. Certaines femmes non habituées vomissent dès qu’elles arrivent à destination», raconte Chouaib, un sourire au coin des lèvres. Les risques peuvent être plus importants pour les clientes femmes, de jour comme de nuit. «Les clients doivent être conscients des risques qu’ils prennent en montant avec ces gens, surtout pour les femmes. Elles ne peuvent pas savoir avec qui elles vont faire le trajet», affirme Badr, chauffeur de grand taxi. «Certaines femmes se sont faites violées en choisissant de monter avec les racoleurs. Le chauffeur choisit sa “proie”, lui propose de l’emmener et en route il prend trois ou quatre de ses copains et lorsqu’elle se rend compte du piège, il est déjà trop tard», souligne-t-il.

Le cas des triporteurs
19 h, quelque part entre les boulevards Roudani et Yacoub Al Mansour, une série de triporteurs attendent à côté de l’arrêt des grands taxis qui ramènent aux quartiers d’Oulfa et Hay Hassani et les gens s’empressent de s’y hisser par dizaine. «Ils viennent toujours piquer des places à cette heure et on ne peut rien y faire, il peut être dangereux de les affronter. En plus, entre 18 h et 20 h, les grands taxis se font un peu rares et on ne peut pas demander aux gens d’attendre éternellement», confie tristement Mohamed, courtier. Il n’est pas que les chauffeurs des grands taxis et les courtiers qui ont les mains liées face à ce phénomène, les passagers se sentent également démunis devant cette situation. «On est conscient des risques que cela implique de faire le trajet dans ces engins : ils ne sont pas assurés, les conducteurs circulent sans permis et nous sommes plusieurs à prendre place dans un petit espace qui n’est pas fait pour transporter des voyageurs, mais il n’y a pas d’autres moyens de transport et on est obligé de nous prendre ces triporteurs pour rentrer chez nous», indique Adil.

Les transporteurs occasionnels
Par ailleurs, il faut souligner qu’en plus des racoleurs «professionnels», qui ont fait du rabattage des places leur métier, on compte également les rabatteurs occasionnels. Il s’agit de citoyen lambda qui en rentrant chez lui le soir, ou en allant au travail le matin, décide de prendre des gens sur sa route moyennant une somme d’argent. «Les transports en commun sont très problématiques dans notre pays et n’arrivent pas à répondre aux besoins d’une population de plus en plus importante. D’un autre côté, le coût de la vie devient très élevé et le carburant a connu une augmentation spectaculaire dernièrement», souligne Hicham pour justifier son petit business quotidien. «Je ne fais rien d’illégal, je pense et je ne me considère pas comme “khettaf”. C’est plutôt du covoiturage», précise-t-il.

Risques pour les femmes
Le transport clandestin a tellement été banalisé qu’aujourd’hui les femmes s’y mettent aussi. «L’autre jour, j’étais en train d’attendre un taxi sur le boulevard, lorsqu’une jeune femme s’est arrêtée à mon niveau. Elle m’a demandé où j’allais et m’a proposé de m’y emmener moyennant le prix de la course dans un petit taxi. J’étais dépassée, je ne savais pas que “khettaf” était un métier de femmes», s’exclame Marwa. En effet, il n’est plus rare de voir des femmes s’adonner à cette activité, certaines ont en fait leur principal gagne-pain. «J’ai commencé cette activité quand mon mari a pris sa retraite. Sa pension ne suffit pas à répondre aux besoins de la famille, alors j’ai acheté cette voiture et je me suis mise à transporter des voyageurs. Mais je ne travaille que quelques heures en soirée et je ne m’éloigne jamais du secteur. Je suis payée 20 à 50 DH la course», confie hajja Fatima.

[dropshadowbox align= »none » effect= »perspective-right » width= »600px » height= » » background_color= »#fcea9c » border_width= »2″ border_color= »#f73131″ ]chauffeurs de taxis :

les grands perdants Les «khettafas» ne se cachent plus et ne redoutent pas les réactions des chauffeurs de taxis, puisque ces derniers se sentent impuissants face à cette invasion, surtout qu’ils estiment que les autorités sont trop indulgentes envers les chauffeurs informels. «Nous ne savons plus quoi faire face à cette concurrence déloyale. Les transporteurs informels sont gagnants à tous les coups, puisqu’ils ne payent ni impôts, ni agréments. Il leur suffit de faire trois ou quatre courses par jour pour se faire beaucoup d’argent, contrairement à nous», se plaint un chauffeur de taxi. Et d’ajouter : «malgré ces avantages, ils se permettent de nous faire la course et de piquer les clients devant nos yeux. Le soir, ils viennent même stationner juste à côté de notre arrêt officiel et personne ne fait quelque chose pour les chasser».[/dropshadowbox]

[dropshadowbox align= »none » effect= »perspective-right » width= »600px » height= » » background_color= »#d7fc9c » border_width= »2″ border_color= »#f73131″ ] Repères

Certains chauffeurs de transport du personnel s’adonnent aussi à l’activité de «khettaf», en particulier pendant le mois sacré de Ramadan. Les autorités sont pointées du doigt quant à leur laxisme face à ce phénomène. Certains clients prétendent connaître le chauffeur et réfutent l’idée qu’il soit un «khettaf», lorsque celui-ci est arrêté par la police ou par les gendarmes. Les citoyens préfèrent le «khettaf» au petit taxi pour des raisons financières, mais aussi parce qu’ils estiment que les chauffeurs des petits taxis font leur propre loi. [/dropshadowbox]

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