Il a rejoint les rangs des enfants perdus de la République alors même qu’il voulait la servir lorsqu’il avait 25 ans : candidat à un poste d’adjoint de sécurité dans la police nationale en 2000, arrêté en 2013 au nord du Mali aux côtés des affidés d’Aqmi, le djihadiste rhônalpin Djamel ben Hamdi, 37 ans, a été mis en examen hier avant d’être écroué. Dans les méandres de ce noir destin, les dates clés sont à chercher, qui aideraient à comprendre comment ce jeune Grenoblois a peu à peu basculé dans l’intégrisme le plus radical et la lutte armée.
“Aide-tueur” aux abattoirs de Bonneville
En 2000 et 2001, deux mots font basculer la vie de Djamel : “avis réservé “. Telle est la mention apposée sur son dossier par l’administration qui juge ainsi irrecevable -pour une raison que l’on ignore- sa candidature au poste d’adjoint de sécurité. “Je veux entrer dans la police. C’est ce qui me tient le plus à cœur”, expliquait pourtant le jeune Djamel à sa famille à cette époque. Né en 1975 en Algérie et arrivé en France à deux ans, Djamel a grandi à Pont-de-Claix, dans la banlieue grenobloise. Famille de cinq enfants, père ouvrier dans l’industrie chimique. Djamel, très doué pour les sports, a suivi une scolarité ordinaire, mais sans aller jusqu’au bac. Ses domaines de prédilection : la course de fond (le 10 000 mètres) et le karaté (il est ceinture noire). À cette époque, Djamel est un jeune garçon plutôt bien dans sa peau, mais qui cherche sa voie, comme des milliers d’autres jeunes gens, issus de l’immigration ou non. Après ses deux échecs pour entrer dans la police, le jeune homme décide de changer d’air, de rejoindre la Haute-Savoie où habitent des membres de sa famille. Dans la région de la Roche-sur-Foron et Bonneville, il multiplie les jobs d’intérim, pas toujours plaisants et gratifiants. Aux abattoirs de la Socopa à Bonneville, par exemple, il occupe un poste “d’aide-tueur”.
Les mauvaises rencontres au mauvais moment
“C’était un gars athlétique, plutôt beau garçon. Il menait une vie normale d’un type de son âge. Il avait des copains, des petites amies”, se souvient une connaissance, à la Roche-sur-Foron. Lorsqu’il rencontre sa femme et se marie en 2005, Djamel n’est pas animé d’un sentiment particulièrement religieux. Puis il commence à fréquenter la mosquée de la Roche-sur-Foron, d’obédience progressiste. “Un homme discret”“C’est plus tard qu’il a fait les mauvaises rencontres, au moment où il se posait des questions sur lui-même”, explique un bon connaisseur du dossier. Djamel ben Hami, à cette époque, habite avec sa femme dans le quartier populaire des Îles, à Bonneville. Le couple aura trois enfants.
À la fin des années 2000, il est approché par les salafistes de la vallée de l’Arve : salles de prières clandestines, embrigadement. Peu à peu, il s’éloigne de sa famille, se mure dans la religion. À la mosquée de la Roche-sur-Foron, on lui fait comprendre qu’il n’est plus le bienvenu. Il tente avec quelques autres, de faire de l’entrisme à la mosquée de Bonneville, mais est également éconduit. “C’était un jeune homme discret, qui parlait très peu”, raconte un fidèle. En octobre 2012, c’est la séparation : il quitte Bonneville et rejoint Grenoble, seul, où il fait une demande de logement social. Viendra l’intervention militaire française au Mali. Ensuite ? Probablement aidé par les réseaux clandestins isérois et haut-savoyards, Djamel, qui est franco-algérien, rejoint l’autre rive de la Méditerranée et gagne le nord-Mali par l’Algérie.
Aujourd’hui, à Grenoble et en Haute-Savoie, ses proches, partisans d’un islam tolérant et ouvert, attendent les développements judiciaires de cette affaire avec angoisse.